CHINE - L'empire du mensonge

La succession d'accidents désastreux en Chine a révélé les failles du système économique. A cela s'ajoute le goût pour la dissimulation des autorités chinoises, qui inquiète la communauté internationale.
par Hamdam Mostafavi

"Quand est-ce que les dirigeants chinois comprendront ?" s'interroge le South China Morning Post. Le quotidien revient sur "les efforts des autorités pour cacher, en 2003, l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la manière lente et évasive avec laquelle l'arrivée de la grippe aviaire a été annoncée et la tentative éhontée pour couvrir l'explosion chimique de Jilin". Dans tous les cas, "la réponse du gouvernement a été inquiétante et décevante", déplore le journal de Hong Kong. "Cette crise a mis en évidence une culture profondément enracinée, qui consiste à cacher les mauvaises nouvelles. Elle montre aussi un manque sérieux de communication efficace entre les autorités locales et les gouvernements départementaux, ainsi que la nécessité d'un plan d'urgence et d'un meilleur respect des lois de régulations environnementales. On ne peut que frémir en se demandant comment le gouvernement réagirait face à une catastrophe à l'échelle de Tchernobyl", alerte le journal.

Le point de départ de l'inquiétude du South China Morning Post est la façon dont les autorités chinoises ont géré la crise liée à la pollution du fleuve Songhua. Le 13 novembre dernier, une nappe toxique s'est déversée dans ce fleuve, près de la métropole de Harbin, après l'explosion d'une usine chimique dans la ville voisine de Jilin. Les autorités ont attendu dix jours pour divulguer l'information et provoqué une panique dans la population en fermant soudainement le système d'eau potable.

"Le gouvernement chinois a accusé l'usine pétrochimique pour l'explosion et la pollution et l'usine a dû présenter officiellement ses excuses le 24 novembre. Mais les autorités chinoises devraient aussi mener une investigation et punir les officiels de Petrochina [qui chapeaute le secteur pétrolier en Chine], et trouver les responsables du retard pris pour communiquer l'information", réclame le quotidien. De même, après l'explosion dans une mine qui a causé la mort de 164 personnes, le ministère de la Sécurité industrielle a accusé la direction de la mine située à Qitaihe (nord-est) de négligences en matière de sécurité.

"Il y a quelques semaines, la Chine a annoncé qu'elle avait changé sa politique en matière d'information publique sur les désastres. Elle est donc censée rendre publiques les informations sur les catastrophes rapidement et fidèlement, et en finir avec cette pratique ancestrale qui préfère embellir les choses ou les taire carrément", rappelle l'International Herald Tribune. Malheureusement, la catastrophe de Jilin a prouvé que ces déclarations n'étaient que des vœux pieux. "Sur toutes les questions 'sensibles', le gouvernement chinois s'accroche à sa conviction que ses citoyens n'ont pas le droit de savoir. Une telle approche a des racines philosophiques anciennes qui sont résumées dans un aphorisme : 'N'informez pas beaucoup les gens, encouragez-les à dépendre de leurs dirigeants.' L'importation récente du marxisme-léninisme n'est qu'un vernis moderne et idéologique ajouté à un vieil adage", explique le quotidien américain.

"Comme le disait Abraham Lincoln , il est futile d'essayer de tromper trop de gens trop de fois", surtout "dans un monde de globalisation de l'information", ajoute le journal. "Que les politiciens mentent et fassent de leur mieux pour contrôler l'information est un fait presque commun à toutes les sociétés. Mais, dans beaucoup de cultures, la presse recherche la vérité et oblige les dirigeants à rendre des comptes, ce qui n'est pas le cas en Chine. Tous les reporters qui ont rendu compte de la catastrophe savent que dix jours entiers se sont écoulés entre l'accident et la révélation, et pourtant aucun d'entre eux n'a eu le droit de contester la version des autorités."

"Les autorités chinoises ont montré au monde entier pourquoi leur système politique pose une menace pour la santé mondiale", considère The Washington Post. "En raison de la censure vis-à-vis des médias chinois, on ne sait pas clairement si la dissimulation est le fait des autorités locales ou si elle a été ordonnée par les dirigeants du Parti communiste. Quoi qu'il en soit, cet accident devrait sonner l'alarme pour les organismes sanitaires mondiaux, à un moment où la communauté internationale est consciente que les catastrophes environnementales et les épidémies peuvent se répandre rapidement au-delà des frontières. A cause des mensonges chinois, les Russes ont eu dix jours de moins pour se préparer à l'arrivée de la nappe toxique. En 2003, la dissimulation de la maladie respiratoire du SRAS a contribué à répandre le virus à travers l'Asie. Aujourd'hui, alors que le monde s'inquiète d'une possible épidémie de grippe aviaire, le gouvernement chinois clame n'avoir enregistré que trois cas, alors que le Vietnam voisin en a déclaré 91. La Chine dit-elle la vérité ? Si, une fois de plus, elle ment, les conséquences pourraient être catastrophiques."